Bendana | Pinel Art Contemporain a le plaisir de présenter « Argent » la première exposition individuelle, à Paris, de Lake Verea (Francisca Rivero-Lake Cortina, & Carla Verea Hernández).
Argent est à ce jour le travail le plus personnel de Lake Verea et celui qui a exigé la plus grande implication physique de tous les projets qu'elles ont produits. L'intimité vécue dans la chambre noire où les images sont mises en scène et minutieusement réalisées se reflète dans la chambre noire où le travail prend une forme visible. Il s'agit des premières images réalisées par Lake Verea avec un appareil du XIXe siècle de format gigantesque, en verre dépoli, et doté d'un objectif sans ouverture en laiton - découvert chez un antiquaire de Mexico en 2007.
Pour restaurer, rééquiper et ramener à la vie cet appareil non opérationnel, Lake Verea ont étudié attentivement un autre appareil, leur cher Linhof Master Technica 4x5. Inspiré par la précision mécanique et la netteté de l'objectif du Linhof, le duo a fabriqué les pièces manquantes et adapté l'objectif 240mm du Linhof dans le boîtier antique. La collection, la restauration et l'utilisation d'appareils photo de toutes les époques les aident à comprendre la mécanique, l'esthétique et l'évolution optique des machines depuis les débuts de la photographie. Pendant des années, Lake Verea ont rêvé d'utiliser l'appareil photo le plus grand et le plus convaincant de leur collection. La « pause collective » de 2020 et 2021 a rendu cela possible.
Pour réveiller cet appareil vraiment gigantesque, Lake Verea avait besoin de temps et d'espace. Il leur fallait une chambre noire et un sujet digne de cet événement : l'argenterie ! Le duo a choisi des objets datant du XVIIIe siècle à nos jours, pour la plupart en argent mexicain, pour la relation qu'elles entretiennent avec chaque objet, certains qu'elles possèdent d’autres qu'elles ont empruntés. Leur but est de dévoiler les histoires et les messages que gardent ces objets. Certains sont nouveaux, d'autres ont entremêlés, bien avant leur naissance, dans l'histoire de leurs familles constituant ce qu'elles appelleraient des "souvenirs du futur".
La caméra mammouth aspire l'image à travers l'objectif dans un laps de temps allant d’une à quatre minutes. L'image voyage à l'envers et en sens inverse grâce aux ondes lumineuses qui frappent le papier photosensible à la gélatine d'argent. Dans la chambre noire, Lake Verea laisse l'image s'exhaler, et elle apparaît sur le papier photosensible une fois qu'elles l'ont plongé dans les bains de développement. Plus tard, l'image est fixée et le papier est lavé, séché et aplati. Un héritage d'argent, vu et mis au point à travers l'appareil sur du verre dépoli, émerge comme une composition sur du papier à base de fibre de gélatine d'argent.
L'œuvre finale est un négatif unique sur papier - le noir est blanc, la lumière est sombre, et il ne peut y en avoir deux pareils. C'est l'empreinte de la lumière et de l'image, sans rien entre les deux. L'image finale n'a pas de grain, elle est absente et loin de la notion de DPI, elle estompe le contexte de l'espace environnant et oublie la dimension du sujet. Lake Verea exploite la nature réfléchissante de chaque objet, saisissant les détails qui exigent des gros plans. L'argent se reconnaît.
L'argent avec l'argent, le temps avec le temps.
Mexico, octobre 2021
